Premier opus d’une trilogie à venir, Paradis : amour raconte les vacances de Teresa. Ronde, affaissée par les flétrissures de l’âge, elle arrive au Kenya avec un objectif : l’épanouissement sentimental.
Le titre ment à moitié. Le paradis ? Oui, ce pourrait être les plages d’Afrique si l’agressivité des vendeurs à la sauvette ne transformait en enfer la quiétude des vagues. L’amour ? Oui, c’est ce que Teresa recherche foncièrement mais là où elle va, c’est de sexe et d’argent dont il est question. Ce dernier hiatus, que Seidl ne lâche pas, nourrit le malaise progressif du film.
Pour Teresa, c’est la première fois qu’elle joue les « sugar mama ». D’abord pudibonde, elle se laisse convaincre par ses copines d’un jour, habituées aux codes locaux, de succomber aux étalons sauvages, à ces peaux d’ébène au goût de noix de coco. En bonnes Occidentales, elles sont dans la caricature de « l’homme Banania » monté comme un dieu, exploitable à merci. Mais sous les tropiques, tout le monde profite du système : les pigeonnes blanches en ont pour l’argent que finissent par leur extorquer leurs bêtes de sexe. Teresa tombe dans le piège de la corde sensible (« De l’argent pour mon frère à l’hôpital, pour la malaria de mon neveu… ») ; novice, il lui manque le cynisme pour abuser sans scrupule de cette économie.
Ce qu’elle veut, elle, c’est qu’on la regarde au fond des yeux, que l’on voit son cœur. Accrochée à ce besoin de reconnaissance affective, à la nécessité de dépasser le pur rapport physique, elle s’enlise dans une frustration envahissante. Pas question de la peloter intrusivement : il faut lui caresser un sein, puis l’autre, doucement ; l’embrasser avec un minimum de conviction, l’étreindre sans l’étouffer. Elle veut pouvoir y croire.
Ulrich Seidl la regarde se noyer dans des séquences très longues. Il pose sa caméra et laisse s’installer le décalage relationnel, les tentatives désespérées d’atteindre l’osmose impossible. Pas d’ellipse ou de suggestion : le film prend un temps presque sadique à contempler Teresa s’ébattre et se débattre. Par un double jeu d’attraction / répulsion, le cinéaste place le spectateur dans la situation de l’otage consentant et mise sur sa part de voyeurisme pour le coller au pas de sa protagoniste. Il a raison.