A la fin de la dernière guerre, la lecture du journal de cette jeune fille, rédigé pendant qu’elle était cachée à Amsterdam avec sa famille lors de l’occupation nazie, fit pleurer le monde entier. Cette émouvante confession révéla la souffrance et l’angoisse des familles juives, dont beaucoup périrent tragiquement dans l’horreur des camps de concentration.
Anne Frank naît à Francfort-sur-le-Main le 12 juin 1929, deux ans après sa sœur Margot. Son père, Otto, a épousé en 1925 Edith Hollander, originaire d’Aix-la-Chapelle, descendante d’une vieille famille israélite de banquiers et d’hommes d’affaires.
À Amsterdam, M. Frank dirige la succursale de Travies, petite société de produits alimentaires dont le siège est à Cologne. Comme de nombreux Juifs allemands, il s’est réfugié en Hollande en 1933, au moment où Hitler accédait au pouvoir. Il vend avec bonheur aux ménagères des ingrédients à base de pectine, et des recettes pour fabriquer des confitures. Plus tard, un associé, van Daan, lui fera distribuer des épices.
L’année suivant son arrivée, Anne fréquente le jardin d’enfants de l’école Montessori, où elle apprend le néerlandais. On la trouve sage, obéissante, et fort curieuse.
En 1938, deux de ses oncles maternels quittent l’Allemagne pour gagner les USA, peu de temps avant la Nuit de cristal » du 10 novembre 1938, au cours de laquelle nombre de magasins israélites sont détruits, sur un fond d’incendie et de scènes de violence.
Anne a neuf ans. Petite et mince, ses grands yeux gris-vert toujours en éveil, elle porte des robes imprimées ornées d’un col blanc. Une barrette divise ses cheveux courts séparés par une raie. Gaie et espiègle, elle aime jouer au théâtre à l’école, et imiter le cri du chat. Cependant, comme toute la famille, elle suit, tourmentée la situation outre-Rhin.
La Travies se développe, et s’installe en janvier 1940 dans un quartier d’entrepôts, au 263, Prinsengracht, dans une vieille maison à pignon en briques rouges.
Le 10 mai 1940, l’Allemagne lance sa grande offensive. La Hollande est rapidement envahie et la famille royale se réfugie en Angleterre. Avec inquiétude, Anne et tous les siens voient les soldats allemands chaque jour. Mais ce n’est qu’à partir de l’hiver, après le recensement, que les brimades commencent pour se transformer peu à peu en persécutions.
Interdiction de monter dans un tramway, de conduire une voiture, de sortir après huit heures du soir, d’aller dans un lieu public de divertissement, de pratiquer le sport. En septembre Margot et Anne doivent quitter leur école, pour se rendre dans un lycée juif.
Papa Frank change les statuts de sa société en décembre 1941, et nomme des amis chrétiens aux postes officiels. Au printemps 1942, tous les citoyens d’origine juive doivent porter une étoile jaune à six branches, à la hauteur du cœur. Ils doivent également rendre leur poste de radio et leur bicyclette, moyen de transport privilégié des Hollandais.
Le 24 juin 1942, Anne décide d’écrire son journal sur un cahier. Elle s’invente une amie, Ketty. Le 8 juillet, Margot, âgée de seize ans, est convoquée pour travailler en Allemagne. Devant le péril, son père décide alors que les familles Frank et van Daan, soit en tout sept personnes, doivent disparaître aussitôt.
Depuis longtemps, il a rempli une vaste cachette située à l’arrière inoccupé de ses entrepôts, au premier et second étages, de vivres, linge, meubles, livres scolaires, ustensiles ménagers. Pour déjouer les recherches et donner l’impression d’un départ précipité, les Frank laissent leur logement en désordre.
Chacun, vêtu avec excès, emporte le maximum d’habits. À l’aube, sous une pluie battante complice, ils gagnent leur confortable refuge, baptisé l’Annexe, à l’entrée habilement masquée par une bibliothèque pivotante. Au mur de sa chambre, Anne épingle la photo de ses vedettes préférées : Garbo, Ray Milland, Ginger Rogers, ainsi que des illustrations découpées dans des magazines.
Les van Daan, accompagnés de leur fils Peter, s’installent le surlendemain. Désormais, tous les sept se réunissent à chaque repas. Le silence est de rigueur, car l’immeuble, comme les autres alentour, est occupé pendant les heures de travail.
Miep Gies, Kraler et Koophuis, employés et amis de M. Frank, qui travaillent en bas, assureront l’intendance, et leur visite est un des grands moments de la journée.
Entre deux lectures, Anne, dans son journal, raconte régulièrement, avec détail et finesse la vie de cette communauté réunie par la clandestinité. A treize ans, tour à tour enfant et adulte, elle met à jour, lucide, les petitesses et les grandeurs de ses voisins qui souvent s’affrontent et se querellent. La répartition des tâches, ainsi que l’accès des toilettes provoquent souvent des heurts. Alors l’atmosphère devient lourde.
En novembre 1942, un ami dentiste, Dussel, vient prendre place dans le groupe. Les émotions ne manquent pas en 1943. Un jour, on apprend que l’immeuble a un nouveau propriétaire, heureusement peu curieux. Des cambrioleurs, une nuit, forcent une porte d’entrée. Le bombardement régulier de la RAF sur Amsterdam suscite l’effroi des huit occupants. Néanmoins, ils sont tous en bonne santé grâce à une bonne alimentation due aux relations de la Travies et au marché noir. 1944 arrive.
La radio anglaise écoutée chaque jour avec ferveur, annonce le recul général des armées allemandes au grand plaisir des clandestins. Anne, maintenant devenue femme, tombe amoureuse de Peter van Daan, alors qu’elle est souvent en conflit avec Mme van Daan et sa mère. Parfois, elle descend avec Margot retrouver Miep qui les attend pour qu’elles l’aident à terminer du travail en retard. L’annonce du débarquement, le 6 juin 1944, provoque une explosion d’enthousiasme, et quelques jours après, Anne fête joyeusement son quinzième anniversaire.
Mais le 4 août 1944, sur dénonciation, la Feldpolizei fait irruption dans l’annexe, et embarque tous les occupants, ainsi que Kraler et Koophuis, après avoir fouillé et pillé l’abri. Miep Gies, par hasard, peut récupérer le journal d’Anne. Les prisonniers partent aussitôt dans des camps de concentration, soit un mois avant l’arrivée des armées alliées en Hollande.
Le 3 juin 1945, tout de suite après la fin de la guerre, M. Frank réapparaît amaigri, rescapé d’Auschwitz. Seul survivant avec Kraler et Koophuis, il ne sait pas encore que ses filles sont mortes mars au camp de Bergen en
Belsen.
C’est sur l’insistance de tous ses proches qu’il finira par consentir à faire éditer le journal d’Anne Frank. Ce récit connaîtra un succès fabuleux, et on en tirera une pièce et un film.