Oublions un instant que ce que l’on vit ressemble étrangement à un film d’horreur pour nous pencher justement sur les films qui nous ont traumatisés enfants ( ou même adulte). À la rédaction, chacun en a un bien enfoui au fond de sa mémoire. Et qui ne demande qu’à resurgir…
“L’exorciste” de Wiliam Friedkin (1973) par Anthony de Pasquale, journaliste
“C’est un film que je n’ai jamais vu car mon père m’avait raconté qu’il était allé le voir, plus jeune, avec mon oncle, un maçon balèze qui n’avait peur de rien. En Italie, où ils habitaient, tous deux étaient un peu les têtes brûlées du village. Eh bien à la sortie du film, ils ont couru vomir dans un fossé et ont dormi ensemble dans le même lit tellement la fille possédée avec sa tête qui tourne à 360 degrés les avait terrifiés. Cette histoire est restée ancrée dans mon imaginaire. Et c’est bien là le problème : ce que l’on imagine est parfois pire que ce qu’on peut voir à l’écran. Alors il faudrait que j’ai le courage d’aller ce film un jour, histoire de me dire “Ah bon, ce n’était que ça !”.
“Amityville, la maison du diable” de Stuart Rosenberg (1979) par Nora Bordjah, rédactrice en chef mode
“J’étais dans un état quand je l’ai vu ce film ! J’ai mis dix mois à m’en remettre. J’avais séché les cours avec une copine pour aller voir ce film au cinéma. Ce jour-là, je portais une doudoune blanche ( je la verrai aujourd’hui en magasin que je ne mettrai pas la main dessus) dans laquelle je me suis littéralement liquéfiée. Ensuite je voyais des ombres partout et j’entendais des portes qui claquent. Tout ce qui a trait au diable, sauf celui qui s’habille en Prada, est de toute façon traumatisant. Cela nous renvoie à ce que l’on nous met dans la tête, petit, au sujet du paradis et de l’enfer. Dans ce film, à un moment, un enfant regarde un programme crypté à télé. C’est un cliché de l’épouvante. Tout comme la bande de jeunes qui se retrouvent dans une maison isolée. Il y en a toujours une qui sort en culotte dans la nuit pour prendre l’air. Et là, devant ton écran, tu as envie de lui crier : “Mais pourquoi sors-tu seule dans la nuit en culotte ? “
“Le vent se lève ” de Ken Loach (2013) par Sophie Bouchet, responsable web
“Il y a une scène dans ce film où quelqu’un se fait arracher les ongles, et je suis partie de la salle de ciné à ce moment-là sans demander mon reste. Cela se passe lors d’une guerre en 1920 entre des paysans irlandais et les troupes anglaises chargées de les mater. Donc il n’y a rien de surnaturel. C’est juste l’horrible réalité de faits historiques. Je me souviens aussi du film “Syriana” où Georges Clooney se fait arracher les ongles. J’ai visiblement un problème avec les ongles. Autant je peux supporter la violence grand guignol, autant la violence réaliste m’est insupportable.“
“Les yeux sans visage ” de George Franju (1960) par Erick Grisel, journaliste
“Si je ne supporte pas les gens qui se défigurent avec la chirurgie esthétique, c’est bien à cause de ce film où l’héroïne est une jeune femme qui a perdu son visage dans un accident de la route. Et dont le père est un chirurgien fou qui enlève des jeunes filles pour leur arracher le visage et le coudre sur le visage de sa fille. Évidemment les opérations ne marchent pas, et comme sa fille fait un rejet des implants, elle doit porter un masque. Et on en voit que ses yeux. Ce film est pour moi un monument de glauquerie, avec des images en noir et blanc et une scène où des chiens dévorent un être humain vivant. Le jour où j’ai j’ai dû aller à l’hôpital pour subir une chirurgie réparatrice, je n’avais qu’une peur, c’est me réveiller sans visage comme l’actrice Édith Scob dans le film et devoir porter un masque blanc pour venir travailler à la rédaction. J’imagine la tête de mes collègues !“
“La nonne” de Corin Hardy ( 2018), par Anne Pauly, journaliste
“Un soir, en rentrant à la maison, ma copine m’a trouvée tremblante dans le noir avec la capuche de ma combi pyjama rabattue sur ma tête. Elle m’a dit “Mais qu’est-ce qui t’arrive ? “. Je regardais ce prequel de “Conjuring” avec cette nonne mal maquillée qui ressemble à Marilyn Manson et surgit dans le noir comme un squelette du placard. Les films d’horreur sont souvent des miroirs déformants de notre société. Ils renvoient à notre peur de la mort parfois, comme les films de zombie, à notre frénésie de consommation. Pourquoi s’infliger ça ? Parce que c’est du frisson rigolo. Mais il faut avant tout que ce soit crédible. Les films de fantôme, je n’y crois pas trop, mais les interventions du malin, ça fonctionne très bien sur moi.“
“Gummo” de Harmony Korine ( 1997) par Sarah Di Bona, directrice image et casting
“Je n’ai pas pu le regarder jusqu’au bout, ce film où une bande de gamins écorchent vif des petits chats. Ce sont des jeunes qui ont subi eux-mêmes la violence des adultes et qui ne peuvent plus s’exprimer qu’à travers la violence. Le réalisateur montre tout et je ne sais pas comment il a fait. Car bien sûr il n’a pas tué de vrais chats, enfin j’espère ! J’ai beaucoup de mal avec la maltraitance animale dans les films. Mais celle des humains non plus. Je n‘ai pas vu et n’irai jamais voir Irreversible de Gaspart Noé, par exemple”.
“Haute tension” de Alexandre Aja (2003) par Hasitha Ratnayake, rédactrice graphiste
“Ce film porte bien son nom, il m’a tendue de bout en bout. Car il se déroule dans un univers familier, une campagne française avec un agriculteur en combi jaune dont on ne voit jamais le visage à cause de sa casquette. Je me suis totalement projetée dans les deux personnages féminins jouées par Cécile de France et Maïwenn. Des filles fragiles, au début, qui se transforment en guerrières. [Attention spoiler] Et quand j’ai réalisé à la fin que l’une des deux filles est le tueur, ça m’a achevée. Moi qui éprouvais tant d’empathie pour elle ! Ce jour-là, j’avais séché les cours pour aller voir ce film, et le mec à l’entrée du ciné m’avait demandé une pièce d’identité car il me croyait mineure. Eh bien j’ai regretté d’avoir séché !“
“The house that Jack built” de Lars von Trier, par Sophie Rosemont, journaliste
“Je suis une grande amatrice de l’esthétique des films de Lars von Trier (“Melancholia”, chef d’oeuvre!) et j’étais enthousiaste à l’idée de retrouver Matt Dillon sur grand écran. Mais la violence est ici vide de sens et si méthodique, le personnage de Dillon à la fois minable et terrifiant. Après une scène de chasse particulièrement gratuite concernant des enfants, je me suis sentie vraiment mal et j’ai quitté la salle de projection à la hâte. J’ai été traumatisée en tant que mère, mais aussi (et surtout) en tant qu’être humain, d’autant plus que le propos, se voulant philosophico-analytique, m’a paru surtout mué par un besoin primaire de choquer. Sans moi, Lars, et t’as intérêt à me reconquérir pour ton prochain film !“
“La cabane dans les bois” de Drew Goddard ( 2012) par Tess Annest, journaliste
“J’ai vu ce film avec une bande de potes qui m’avaient dit que ça allait être à la fois flippant et drôle. Le genre comedy horror dont raffolent les Américains. Eh bien moi je n’ai pas trouvé ça drôle du tout. Je prenais tout ça au premier degré, les poupées qui parlent, les trappes qui s’ouvrent, les gens qui disparaissent… et pourtant l’histoire est on ne peut plus clichée : un groupe de jeunes, joyeux et insousciant arrivent dans une maison isolée et tout dégénère. Et ce n’était interdit qu’aux moins de douze ans ! “
— Par. Patrick Jule