Comment améliorer la diffusion des films francophones dans le monde ? La question a été posée lors du 70ème Festival de Cannes par la SODEC et UniFrance. Les réponses sont encore balbutiantes.
Les représentants d’UniFrance, de la SODEC (société de développement des entreprises culturelles de Québec), de l’Institut français et du Ministère des Affaires Etrangères composaient, avec quelques responsables de plateformes VOD (Under The Milkyway, Afrostream, Mubi), le panel d’échanges et de réflexions sur les moyens de développement promotionnel du cinéma francophone. Vaste sujet regroupant des cinématographies fort différentes, partant à la conquête de marchés plus ou moins adaptés à leur rayonnement.
Et premier postulât, qu’est-ce qui définit, au-delà de la langue, un film francophone ?
Pour Augustin Favereau (Affaires Étrangères), c’est d’abord et avant tout « un outil de diplomatie et d’éducation au service de la défense de la diversité culturelle ; un objet d’influence, affirmant un modèle de création et de soutien à la création ». Consensus politique auquel l’ensemble des panelistes adhère, quoiqu’il recouvre des réalités bien disparates, tant en termes d’économie que d’approche artistique. Surtout, évoquer la dimension ‘francophone’ d’un film suppose de fondre le principe de territoire dans une vision originale étendue.
Comparé au géant hollywoodien, qui déploie sa force de frappe au même moment partout dans le monde et souvent même avant que le film soit terminé, un film francophone avance au coup par coup, sans stratégie internationale et sans moyens centralisés. Autant comparer la grande distribution au porte-à-porte du VRP solitaire.
Isabelle Giordano (UniFrance), Elaine Dumont et Monique Simard (SODEC) dessinent sur ce point une ambition commune. Jusqu’à présent, les efforts ont porté sur la coproduction ; le temps est venu de mettre les énergies transnationales en commun pour que producteurs et distributeurs s’unissent autour de la promotion – et de sa temporalité. L’enjeu est de taille puisqu’il implique de dépasser les intérêts économiques immédiats des différentes chapelles et d’embrasser la mondialisation. Un levier naturel se profile : celui des plateformes VOD et des marchés digitaux, avides de contenus, mais qui ont besoin de bandes-annonces calibrées afin de susciter l’envie.
Second écueil à contourner après que le désir est créé : la forme de diffusion. Sous-titrages ou doublage ? Dans les territoires de cinéphilie, l’interrogation est subsidiaire et le film de langue française passera sans gêne la contrainte du sous-titre. Reste à harmoniser les entreprises individuelles pour générer des économies d’échelle. Pour exemple, il arrive qu’un film se voit sous-titré pour une présentation en festival tandis qu’au moment de l’exploitation, le distributeur n’a plus accès à cette manne. Ici, l’objectif est atteignable.
Le bât blesse en revanche dans les contrées où la culture cinéphile est absente. Le doublage devient la seule alternative et le principe de film ‘francophone’ perd une bonne part de sa substance. Il est même des endroits de par le monde où, par simplicité économique, les distributeurs choisiront de doubler uniquement en anglais, hors langue locale, pour pouvoir diffuser plus largement les films auprès d’un public moins averti. Là encore, les freins sont économiques et à ceux-ci s’ajoutent les coutumes régionales.
Mais avant la bande-annonce promotionnelle, avant le choix du doublage ou du sous-titrage, l’interrogation première demeure : quel est le public de ce cinéma là. Étonnamment pour une industrie prompte à la mesure statistique, il n’existe aucune base de données sur les communautés francophones disséminées dans le monde. C’est donc la première proposition concrète portée conjointement par la SODEC et UniFrance : la création d’une base de données consolidant une nébuleuse d’informations éparses.
Les plateformes VOD présentes à cette table ronde proposent d’accompagner la démarche ; elles connaissent les profils de leurs consommateurs. Mais aussi via l’Institut français et les réseaux de coopération culturelle, les instigateurs pourront récupérer les chiffres relatifs aux communautés de Français à l’étranger, des lycées français, des groupes francophones… « et francophiles ! », insiste Monique Simard.
Les potentiels existent, le terreau ne demande qu’a être fertilisé… reste à le rassembler.
Dans les six prochains mois, UniFrance souhaite la tenue d’états généraux pour que soit mise en place une politique de coordination concrète sur ce sujet porteur. La dynamique vient d’être lancée, aux volontaires de transformer l’essai.